Jean Pelle, un marseillais du vieux-port du quartier de Rive neuve

L'homme du jazz dans le quartier du Vieux-Port, c'était Jean Pelle. C'est un vrai marseillais puisque ses arrières-grands-pères étaient général cubain et tailleur italien ! Né quai de Rive Neuve, comme tous les siens depuis 1870, c'est à un jet d'oursin de là, place aux Huiles, qu'il a régné pendant 25 ans sur le Pelle Mêle, bar inévitable des nuits marseillaises, haut lieu du jazz vivant dans le sud de la France.

«Je suis de Rive Neuve, raconte Jean Pelle. Je dirai que mon quartier va jusqu'à la plage des Catalans parce que, petit, je jouais au volley-ball là-bas, mais il s'arrête à l'Opéra. En face, de l'autre côté, c'est pas chez moi... Quand j'étais enfant il y avait des chalutiers de ce côté là du port ; l'odeur du calfat se mêlait à celle des oranges et des mandarines déchargées en hiver. Il y avait deux lignes de "ferry-boâte" pour traverser les passagers : l'actuelle Mairie - place aux Huiles et la Saint Jean - Carénage qui remplaçait le Pont Transbordeur et nous économisait un kilomètre à pied ; des pointus faisaient parfois la navette à la rame...Il y avait surtout toute cette agitation des rédactions des journaux quotidiens, toutes groupées dans ce quartier, le marché de légumes cours Estienne d'Orves, les intellectuels et les galeries de peinture » Dans son ancien bar, sous une lampe de Gae Aulenti, c'était le jazz que Jean Pelle proposait et c'était des confidences bien contemporaines qu'il recueillait des noctambules. Il regrette seulement qu'après la destruction du grand parking, n'ait pas été reconstitué l'ancien Canal de la douane qui ceinturait l'îlot Thiars. « Ce serait plus beau que Venise...  disait-il en riant.

quai du canal Marseille La place aux huiles s'étend de l'escalier Ludovic Henri Monnier au quai Rive Neuve. Là, aux temps du canal, étaient déchargées les marchandises et les huiles pour les 9 savonneries des rues Sainte et Neuve Sainte-Catherine ; d'où son nom de place aux Huiles. Sous le règne de Louis XIV, l'arsenal des galères, véritable ville dans la ville, avec ses remparts et son Canal intérieur en U, abritait 40 galères. Une fresque, visible de l'autoroute A7 en arrivant Porte d'Aix, représente l'une d'elles, assemblées en une journée par l'intendant de l'arsenal, Monsieur Brodart; avec ses 800 ouvriers et 400 forçats, il tentait d'épater Louis XIV et prouver l'efficacité du système mis en place. L'arsenal fut transféré à Toulon en 1748. En face de la capitainerie fut aménagé, au début du XIXème siècle, un ensemble d'entrepôts où venaient accoster des bateaux de petits tonnages.
Le quai du Canal s'est appelé cours Jean Ballard et cours d'Estienne d'Orves. La partie au couchant avait pour nom le quai Monsieur, en l'honneur du frère cadet de Louis XIV, Philippe, duc d'Orléans. C'est l'actuelle place aux Huiles.
parking du cours d'Estienne d'Orves « Le Canal a été comblé en 1927 avec les déblais des immeubles dit "de derrière la Bourse" raconte Jean Pelle. Sur le cours d'Estienne d'Orves, un parking aérien en béton sur 3 niveaux et de 370 places a été inauguré en 1965. Après 20 ans de protestations des habitants et commerçants du quartier, il a été démonté en 1987 et remplacé par un parking en sous-sol. La nouvelle esplanade a été aménagée par l'architecte Charlie Bové. Sur ma petite place aux Huiles il y a des arbres, c'est gai et ça fait de l'ombre. Mais on a aussi l'entrée du parking. La ville avait installé des barrières pour délimiter cette voie, la seule entrée de parking de France qui ne soit pas en ligne droite ! J'en ai parlé au chauffeur du Maire, le Docteur Vigouroux à l'époque. Quelques semaines plus tard ils ont remplacé les barrières par ces grosses boules et une voiture par semaine se les prend dans le pare-chocs. Le cours d'Estienne d'Orves c'est une grande place un peu trop minérale, à l'italienne, avec des beaux lampadaires à la place des arbres, mais elle est piétonne. Ce sont des peintres, des architectes et des professions libérales qui habitent ici, et de nombreux immeubles sont toujours la propriété de vieilles familles marseillaises. C'est très convivial, on se connaît tous depuis longtemps. C'est un quartier que j'adore, très vivant le jour comme la nuit. Il y a 5000 places de restaurant, des bars ouverts tard pour une clientèle internationale et branchée et bien sur, les bars "chauds" autour de l'Opéra. »

Les bons plans de Jean Pelle

Pont transbordeur Marseille «Pour mes amis jazzmen, pressés comme Randy Weston, qui n'ont que deux heures de liberté dans le quartier, je recommande de remonter à pied le quai Rive Neuve jusqu'au Palais du Pharo. Depuis ses jardins, on a le plus beau panorama sur Marseille, sur les ports et la Bonne Mère, précise Jean Pelle. En y allant vous passez devant la Criée. Et là, le secret, c'est de descendre sous le pont pour faire le tour du bassin de carénage creusé en 1837 ; les calfats faisaient chauffer leurs chaudières dans des brasiers allumés en plein vent ! » Alphonse Daudet décrit le bassin ainsi : "De temps en temps, entre les navires, un morceau de mer, comme une grande moire tachée d'huile...Dans l'enchevêtrement des vergues, des nuées de mouettes faisait de jolies taches dans le ciel bleu, des mousses qui s'appelaient dans toutes les langues".
« En levant la tête, reprend Jean Pelle, vous aurez la meilleure perspective sur le château-fort crénelé qui vous surplombe. Je plaisante bien sur : il s'agit de la tour d'Isarn de la sublime abbaye Saint-Victor.»

Les Arcenaulx est le lieu magique des seours Lafitte; sauf le dimanche. 25 cours d'Estienne d'Orves 13001. Leur restaurant et salon de thé au 04 91 59 80 30, leur librairie et boutique arts de la table, leur galerie d'art. A voir.

Jean Ballard était peseur-juré et poète marseillais (1893 - 1973) Avec André Gaillard, il a été jusqu'en 1966, le directeur des Cahiers du Sud, célèbre revue littéraire de la première moitié du XXème siècle. Pendant 48 ans, cette revue a publié les textes remarquables de la fine fleur de la littérature française ; avec ses 391 numéros, Les Cahiers du Sud ont contribué à faire de Marseille un véritable pôle d'expression littéraire. Jean Ballard disait en 1927: "Les Cahiers vont et viennent avec ses navires en suivant les pulsations de cette métropole de la mer Il publie la même année le Pèse-nerfs, écrit par le fils d'un armateur marseillais, Antonin Artaud, et la Liberté des mers, poème de Louis Brauquier, pour ne citer que deux natifs de Marseille. Sous l'Occupation, le perchoir des Cahiers servit de lieu d'accueil aux exilés réfugiés en zone libre. " C'était le dernier asile pour les gens de notre espèce", écrit Anna Seghers dans Transit, la dernière auberge de ce continent..
Hervé Van AuveghenJean-Pierre Aliès Dans les années 30, le quartier Rive Neuve était animé par Les Cahiers du Sud mais aussi par les ateliers d'artistes de Louis Audibert 1880-1983 et Léon Cadenel 1903-1985, ex ingénieur à la Société des Eaux de Marseille. Se distinguent alors les peintres Antoine Serra 1908-1996, Antoine Ferrari 1910-1994, Richard Mandin, Pierre Ambrogiani 1907-1985 ou François Diana... Certains, alliés de la classe ouvrière, peignent les travailleurs et la vie de labeur ; ils sont les peintres prolétariens, les révolutionnaires qui n'exercent pas leur art à plein temps.
Au lendemain de la guerre, au Péano se réunissent les artisans, marchands de poissons et maraîchers du quartier. Les journalistes des 3 quotidiens de Marseille y boivent le pastis. Le lithographe Jo Berto s'installe en face du bar, réanime le quartier endeuillé, accueille Picasso, Chabaud ou César. Pierre Ambrogianih investi le bar avec sa bande et une nouvelle génération de peintres le transforme en galerie permanente. Les vedettes de passages se font photographier avec René Seyssaud, Audibert, Dellepiane, Lombardi, Valère Bernard, François Canepa... Mais en 1960 le parking aérien casse l'ambiance et noircit les couleurs des peintres. C'est pourtant grâce à ces peintres que les rues Sainte, Grignand, Montgrand et alentours, regorgent de galeries et de restaurants branchés. Le Péano propose aujourd'hui de bonnes pizzas 16 rue Fortia 13001, 04 91 33 17 97.

« Le buste de Vincent Scotto est placé au bord du quai de la place aux Huiles, face au ferry-boat. Ce compositeur, né à Marseille en 1874 et mort à Paris en 1952, a écrit près de 4000 airs de musique et des opérettes. » Les gangsters du château d'If, Au pays du soleil, Un de la Canebière et un grand nombre de chansons restées populaires comme la Petite Tonkinoise, Sous les ponts de Paris, Marinella. Le Plus beau de tous les tangos du monde interprété par Tino Rossi, J'ai deux amours par Joséphine Baker, Prosper par Maurice Chevalier... Il a composé les musiques de presque tous les films de Marcel Pagnol. Il est enterré au cimetière Saint-Pierre.

Victor est un martyr, mort broyé entre deux meules à Marseille vers 290. Il est donc le patron des meuniers. L'abbaye Saint-Victor fut bâtie sur sa tombe par le moine arménien Jean Cassien, mort à Marseille vers 435. Le jour de la chandeleur, une avalanche de marseillais dévale dans la crypte où est exposée la Vierge Noire. 3 rue de l'abbaye 13007 de 9h à 19h, 04 96 11 22 60

La Criée, le théâtre national, a été conçu par Marcel Maréchal. Après 3 ans de travaux c'est la première en mai 1981, devant Gaston Deferre nommé ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation. 30 quai de Rive Neuve 13007, 04 91 54 70 54

La discothèque le Trolley bus accueille les jeunes dans sa série de couloirs voûtés de l'ancienne prison des galères royales. 24 quai de Rive Neuve 13007, 04 91 54 30 45

Au 136 rue Sainte, la plus vieille boulangerie de la ville est encore en activité. Elle fut ouverte le 24 novembre 1781 par le maitre-boulanger Antoine Lauzière. Trois mois plus tard, pour la chandeleur, il pétrit les célèbres navettes, un biscuit en forme de barque fuselée, évoquant la légende des Saintes-Maries et de Saint-Lazare, qui arrivèrent par bateau sur les côtes phocéennes. La recette de ce gâteau sec c'est de la farine minutieusement sélectionnée, de l'eau, de la fleur d'oranger, un vieux pétrin à ailettes et... un secret jalousement gardé. Depuis deux siècles, les curés de l'abbaye Saint-Victor bénissent le grand four d'origine, en grande cérémonie, au matin du 2 février. En 2002 il a été béni par Monseigneur Panafieu, l'archevêque de Marseille. Le four des navettes 04 91 33 32 12 ouvert du lundi au samedi de 7h30 à 19h30

ferry boat Marseille ferry boat marseille « L'autre navette c'est le Ferry-boat, reprend Jean Pelle. Ce tramway maritime a été rendu célèbre par Pagnol : " Un bateau qui a une hélice à chaque bout, c'est un bateau qui marche toujours à reculons. Il n'a pas d'avant ton bateau. Il a deux culs. Et toi ça fait trois ! "(extrait de Marius) « Il a été inauguré en juin 1880. Aujourd'hui il évite aux pressés et fatigués de faire un détour de quelques centaines de mètres par le quai des Belges ; il est le seul bateau à prendre le port "en large" ! »

« Bâti à la demande de Napoléon III, le palais du Pharo - du provençal farot, phare - devait être le reflet de la résidence de l'impératrice Eugénie à Biarritz, "une habitation qui aurait les pieds dans l'eau" selon les mots de l'empereur. La première pierre a été posée le 15 août 1858, jour de la Saint-Napoléon, sur ce rocher appelé "la tête-de-more". Personne ne résida jamais au Pharo et l'impératrice l'offrit à la ville en 1903.» La place Impériale qui joint la Corderie et les Catalans s'est appelée significativement place du 4 septembre, date de la chute de l'Empire ! Aujourd'hui, le bâtiment de l'architecte Le Fuel, abrite une université, divers services municipaux ainsi qu'un centre de congrès. Vous pouvez déjeuner au Chalet, la guinguette ombragée qui surplombe le Vieux Port. La superbe vue fut peinte, entre autres, par Paul Signac en 1918, L'entrée du port de Marseille, exposée au Musée Cantini 13006. Parc Emile Duclaux 58 bd Charles-Livon 13007, 04 91 14 64 53.

Il faut savoir que le fort Saint-Nicolas, bâti en étoile par Louis XIV en 1660, avait un double but : protéger la ville et son port mais surtout, permettre aux garnisons royales de mater une éventuelle révolte urbaine contre le Roi ! Ah Marseille...éternelle rebelle ! Et le peuple chantait il a voulu bâtir une citadelle et nous autres, d'abord, avons été d'accord... par force ! Nous serons ses soldats, nous ferons sentinelles. Nous lui serons fidèles jusqu'au tombeau... par force ! En 1863, le fort a été coupé en deux pour percer le boulevard de l'Empereur Napoléon III (actuel bd Charles Livon) afin qu'Eugénie accède plus facilement au Pharo !

Le savon de Marseille ou savon de ménage, c'est de l'huile de coprah et d'arachide, cendres sodiques et sels de Camargue mais c'est surtout 72% de teneur en acides gras et 28 % d'eau. Crescas Davin est, au XIVème siècle, le premier savonnier officiel marseillais. Georges Prunemoyr, mort à Marseille en 1593, est le fondateur de l'industrie du savon, qui demeura florissante durant quatre siècles. Les règles de fabrication du savon de Marseille sont officiellement fixées en 1688 mais aucun label régional ne protège l'appellation. Jusqu'au début du XXème siècle, un ouvrier sur deux travaille dans l'une des 90 savonneries de la ville. C'est François Merklen, un alsacien !... qui fixe et officialise la recette du savon en 1906 : 63% de coprah ou de palme, 28% d'eau, 9% de soude et de sel marin.
La Compagnie de Provence propose les savons, les huiles essentielles, l'eau de linge, une gamme d'argile et du linge de maison. 1 rue Caisserie 13002, 04 91 56 20 94 de10h-19h sauf dim.
La Licorne vend et travaille ses huiles et savons devant vous, dans son atelier musée. 34 cours Julien 13006, 04 96 12 00 91 de 8h-17h sauf dim
Le Sérail est la 2eme fabrique artisanale de savon de Marseille. 50 boulevard Anatole de la Forge 13014, 04 91 98 28 25 de 8h30-12h et 14h-17h sauf sam et dim.
La Savonneries du Midi est une usine de gros et semi-gros. 72 rue Augustin Roux 13015, 04 91 60 54 04

« On ne doit pas jeter d'oursin, en ville, sur les gens, pas plus que de boule de pétanque. Cependant, contrairement à la boule de pétanque, l'oursin se mange. Cet échinoderme pentamère globuleux est même délicieux à la bonne saison, du 15 octobre au 15 avril, et encore meilleur dans une calanque quand on le pêche soi-même. On peut alors effectuer le jet d'Oursin dans la grande bleue, les poissons finiront de le manger. A Marseille on trouve facilement les oursins à l'étal des poissonniers, dans de nombreux restaurants et en hiver sur le port de l'Estaque.»
Chez Toinou restaurant de fruits de mer 3 cours Saint Louis 13001, 04 91 33 14 94 - achats : 18 cours Saint Louis 13001, 04 91 54 08 79
«En marseillais, vous direz d'une personne avare et près de ses sous, qu'elle a "des oursins dans ses poches" ».

Vers 330 avant Jésus Christ, le mathématicien et astronome grec Pythéas, découvreur de l'influence de la lune sur les marées, embarque sur son navire Artémis et quitte Massalia. De cette expédition, il donne l'itinéraire maritime de l'étain et de l'ambre, qui ne sera d'ailleurs jamais emprunté... Néanmoins Pythéas a exploré les contours de l'Angleterre et du Danemark et découvert l'île de Thulé, l'actuelle Islande. Sa statue est sur la droite de la façade de la Bourse, sur la Canebière : sur la gauche c'est Euthymènes, navigateur marseillais qui mit le cap à l'opposé de celui de Pythéas, vers les cotes africaines. Il découvrit le fleuve Sénégal qu'il prit pour le Nil.



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